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L’automne est dépourvu de cet axe central bien marqué dont bénéficient les autres saisons de l’année: l’été tourne autour de la Saint-Jean ou du solstice d’été, tandis que le solstice d’hiver et la célébration de l’Olentzero sont au cœur de la saison hivernale. En revanche, l’équinoxe d’automne ne donne lieu à aucune fête aussi significative.

En cette saison, les tâches liées à l’agriculture et au pastoralisme prennent une grande importance. Dans les fermes, voici venu le temps de la récolte, de recueillir les fruits du travail effectué tout le long de l’année. Mais en dépit de cette abondance, le labeur ne manque pas. Il faut travailler le lin, effeuiller le maïs et commencer les préparatifs nécessaires aux récoltes de l’année prochaine. Là où était préservé le mode de vie traditionnel, l’automne marquait le début de l’année, puisqu’un cycle s’achevait et le suivant commençait à se mettre en place.

La principale festivité de cette saison est le jour de Saint- Michel. À Arretxinaga, Markina, la fête a lieu devant la spectaculaire chapelle Saint- Michel. Il s’agit là de l’unique occasion d’assister à l’ezpata-dantza de Xemein. Les noms que reçoivent les danseurs sont: Maisu zaharra (Vieux maître), Ezpata nagusiak (Grandes épées) et Ezpata txikiak (Petites épées). À la fin de la danse, les participants exécutent l’aurreskua et la soka-dantza en l’honneur des jeunes filles et des femmes du village.

Mentionnons aussi une autre belle danse qui a lieu ce même jour de la Saint-Michel à Iurreta: la Dantzari-dantza ou ezpata-dantza de Bizkaia. La veille au soir, un grand tronc d’eucalyptus ou de hêtre appelé Donielatxa est dressé sur la place. De l’avis de certains, cette coutume était normalement observée le jour de la Saint-Jean, puis a été transférée plus tard à la saison automnale. D’autres, par contre, affirment que Donielatxa est originellement un rituel du jour de la Saint-Michel. Aujourd’hui, le spectacle se compose de huit danses et se déroule habituellement après la messe. Entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe, le naturaliste Humboldt a témoigné de l’existence de cette danse.

Nous allons maintenant nous rendre à Cortes pour découvrir la Dance typique de ce village. Les danseurs commencent leur tâche le matin, mais la principale représentation a lieu l’après-midi. Il s’agit d’une représentation qui associe la danse et les vers improvisés et qui s’appuie sur quatre personnages: le Mayoral, le Rabadán, Aingerua (l’Ange) et Deabrua (le Diable). Pour terminer, les danseurs exécutent deux danses avec bâtons, paloteados, et deux danses avec rubans, zinta-dantzak.

Comme nous l’avons dit, l’automne est l’époque de la récolte. Entre la fin septembre et le début octobre, en Nafarroa et dans la zone d’Errioxa, en Araba, voici le temps des vendanges pour ensuite élaborer le vin. Bien que les moyens techniques aient évolué, le processus est resté le même. Autrefois le raisin était ramassé à la main dans des paniers, puis, plus tard, dans des récipients en métal; actuellement, la vendange est réalisée mécaniquement dans certains villages. Ensuite, le raisin était foulé; maintenant, en revanche, on utilise des pressoirs pour tirer tout le jus et égrapper le raisin. Le moût est recueilli dans des fûts ou dans tanks métallique en vue de sa fermentation et sa conversion ultérieure en vin. Aujourd’hui, cette transformation naturelle est accélérée à l’aide de levures chimiques. Lors de cette phase du processus de vinification, l’excès ou le manque d’air dans la cuve peuvent empêcher que le moût se transforme en vin. Après la fermentation, en janvier ou en février, le vin est transféré dans une autre barrique dans le but d’éliminer tout résidu. La dernière étape du procédé est le filtrage du vin; autrefois, les filtres utilisés étaient en toile, mais maintenant il s’agit de terres filtrantes.

En Bizkaia et au Gipuzkoa, le cidre occupe la place du vin. Le ramassage des pommes commence fin septembre et peut se prolonger jusqu’à début novembre, puisque les pommes sont ramassées quand elles sont bien mûres et si le climat est au sec. Pour élaborer un bon cidre, plusieurs variétés de pommes sont mélangées dans des proportions précises, à savoir amères, sucrées et acides à hauteur de 60%, 30% et 30% respectivement. Les pommes jonchent le sol, où elles restent environ huit jours, de façon à augmenter le taux de sucres et obtenir un jus plus abondant. Le processus d’élaboration du cidre est similaire à celui du vin.

Un dicton dit: “Urrian, artoak burutzen eta enarak buztantzen” (En octobre, les épis poussent sur le maïs et la queue sur l’hirondelle). Dans les champs, les épis sont bien mûrs; ils sont ramassés et transportés à la maison pour les effeuiller, et la farine élaborée avec ce maïs permettra aux familles de ne pas manquer de talo (galette de maïs), ni de morokil (bouillie), durant toute l’année, et servira aussi à nourrir veaux et cochons. L’effeuillage du maïs avait lieu en commun, c’était un travail entre voisins. Les jeunes des fermes proches se réunissaient après le souper pour réaliser ce travail tour à tour. Quand ils avaient fini la tâche dans une maison, ils se rendaient dans une autre et ainsi de suite jusqu’à couvrir tout le voisinage. Ce labeur avait lieu à la lumière de lampadaires ou d’ampoules électrique et, naturellement, en chantant. Dans ces chansons, comme il faut s’y attendre, les sujets les plus courants étaient les relations entre filles et garçons. Le travail était simple et facile: il consistait à retirer les feuilles qui enveloppent l’épi et à transporter les paniers au grenier. Comme le voulait la coutume, pour dix paniers montés au grenier, un onzième était porté à l’église. Celui qui trouvait un épi rouge avait le privilège de pouvoir embrasser une fille. Rien d’étonnant alors si les jeunes préféraient effeuiller le maïs à le biner ! Les épis, une fois effeuillés, étaient étendus sur le plancher du grenier ou stockés dans un silo appelé koltza, pour l’égrener et l’utiliser plus tard selon les besoins. Les feuilles, quant à elles, servaient à nourrir le bétail, à rembourrer les matelas, voire même de leurre sur les hameçons des pêcheurs.

En euskera, novembre se dit azaroa ou hazila, ce qui, étymologiquement, signifie époque de semailles, hazi-aroa ou hazi-hila. C’est un mois important pour les agriculteurs et les éleveurs car on sème maintenant certaines cultures, comme par exemple le blé et, en certains endroits, le lin. Le lin était en général semé en septembre ou en novembre, arraché en été et c’est en automne que commençaient les dures et pénibles tâches postérieures.

Selon le dicton, “Linuaren atsekabeak, amaigabeak” (Les peines du lin ne finissent jamais). Autrefois, les femmes devaient travailler dur, à l’aide de divers ustensiles, pour, à partir de la plante de lin, obtenir le fil avec lequel tisser des toiles. Pour cela, il est nécessaire de le dépouiller de son enveloppe pour extraire les fibres de l’intérieur et ensuite élaborer le fil. Cette activité artisanale a disparu au début du XXe siècle. Nous allons maintenant décrire brièvement le processus.

Pour commencer, le lin était mis à sécher, ensuite décapsulé pour retirer les graines avec une carde, garrama, puis regroupé en bottes qui étaient mises à tremper dans l’eau (la puanteur était grande). Une fois séchées, elles étaient battues avec un maillet en bois jusqu’à ce que la paille du lin, pourrie, se détache. Ensuite, le lin était broyé, raclé et battu afin de séparer les fibres du lin, puis se peignait avec la txarrantxa. Toutes ces tâches avaient lieu à l’automne. Les travaux restants s’effectuaient pendant l’hiver. Le lin était filé, mis en écheveaux et enfin blanchi en le faisant bouillir dans un tonneau sur lequel était placée une toile couverte de cendres où était déversée de l’eau chaude. Ensuite, les écheveaux étaient mis à sécher sur l’herbe, et une fois blanchis, se bobinaient. Tout ce processus se déroulait dans les fermes et pour finir les pelotes de fil étaient portées aux métiers à tisser pour fabriquer des toiles.

Il existe plusieurs dictons et croyances associés aux fileuses. Citons-en deux. Les soupers qui avaient lieu à minuit étaient appelés sorgin-afariak, soupers de sorcières. Et on disait que si une fileuse se couchait avant de finir de filer le lin du rouet, les sorcières le lui volaient: “Amaitu goruko hondakin hori, sorginak berorregaz dantzan egin ez dagien!” (Finis de filer ce qu’il te reste sur le rouet si tu ne veux pas que les sorcières dansent avec lui).

En novembre, quand les rivières grossissaient, un autre travail aussi dur qu’important commençait, celui des forges. Il s’agit là des premières fabriques consacrées à la fonte de ce minerai pour obtenir du fer, soit l’équivalent des hauts-fourneaux modernes. Elles sont apparues au XIVe siècle et sont entrées en décadence à la fin du XIXe. Le dernier dimanche d’octobre, le maître de forge invitait les habitants du village à un bon repas et à minuit la forge se mettait en marche. Le travail ne s’arrêtait pas jusqu’à minuit le samedi suivant. Les forges fonctionnaient de novembre à mai sans interruption.

C’était des lieux sombres, étouffants et bruyants. Le travail qui y était réalisé était extrêmement éprouvant. Les travailleurs finissaient leur journée complètement noircis et ne portaient qu’un bonnet et une chemise blanche de lin. Ils dormaient à peine, car ils travaillaient sans répit, tant de jour que de nuit. Et leurs rares heures de sommeil, ils les passaient sur place, sur un matelas sale rembourré de feuilles de maïs.

Les travailleurs étaient au nombre de quatre: deux fondeurs, un forgeron et un préparateur. Ce dernier avait pour tâche de concasser le minerai avec un marteau jusqu’à obtenir des fragments de la taille d’une noix pour ensuite les introduire dans la forge. Les fondeurs se chargeaient d’allumer la forge et de la charger en charbon et en minerai de fer. Avec la chaleur et le travail des fondeurs, la matière première se transformait en fer sous forme d’une espèce de boule. Cette boule était retirée de la forge, jetée par terre, puis placée sous le martinet. Le forgeron ouvrait l’écluse pour mettre en marche le marteau, puis faisait rouler le métal d’un côté à l’autre jusqu’à façonner une barre de fer. La masse frappait plus de cent coups par minute ! Le processus complet, du chargement de la forge à l’obtention de la barre de fer durait environ cinq ou six heures.

Les fonderies consommaient de grandes quantités de charbon; en effet, à chaque charge il fallait 500 kilos de charbon et autant de minerai de fer. D’où l’importance de la production de charbon. Au XIXe siècle, suite à l’essor des ateliers de fonderie, l’élaboration de charbon va exploser, puis les deux activités disparaîtront dans les années soixante du XXe siècle.

La fabrication du charbon consiste à obtenir du charbon à partir de bois. On commence par ramasser celui-ci et à raison d’environ quatre kilos de bois pour produire un kilo de charbon, vous pouvez faire le calcul ! La cheminée, axe du bûcher, est la première à être dressée. Ensuite le bois est entassé autour de la cheminée, mais pas n’importe comment: les grosses bûches près de la cheminée et les petites plus éloignées, jusqu’à former une meule d’environ cinq ou six mètres. La meule est ensuite recouverte de branches, de feuilles ou de mousse et dessus sont répandus les tisons, iduria, d’une autre meule. Le bûcher est allumé par la cheminée et,  peu à peu, le bois cuit jusqu’à se transformer en charbon. Le processus de carbonisation durait de dix à quinze jours et pendant ce temps le charbonnier devait s’occuper de la meule jour et nuit. Le métier de charbonnier était pénible; ils vivaient dans les bois dans une cabane, toujours couverts de suie et contraints de surveiller en permanence la combustion.

Nous voici arrivés au 11 novembre, jour de la Saint-Martin. Ce jour-là commencent en Euskal Herria les pèle-porcs, txerribodak. Comme le dit le dicton, “Asterik eta urterik onenak txerria hilteko astea eta ezkonduteko urtea” (Les meilleurs mois et année sont le mois du pèle-porc et l’année du mariage). Car l’abattage du cochon apporte de la richesse à la maisonnée: longe, lard, boudins, chorizos, jambons…

Pour terminer, et comme symbole de l’opulence de l’automne, comment ne pas parler des foires: le dernier lundi d’octobre à Gernika, la Saint-André, la Saint-Thomas… Les paysans mettent en vente leurs produits. Ils devront aussi réaliser quelques paiements, puisque le jour de Santo Tomás était, dans de nombreux endroits, celui fixé pour que les fermiers paient leur loyer aux propriétaires.

Et c’est là que s’achève la saison automnale. Les nuits se font plus longues et les jours plus courts. Bientôt reviendront de nouveau la Noël et le solstice d’hiver, saison avec laquelle nous avons commencé le cycle annuel. Le cycle complet se répètera: la Santa Águeda, le Carnaval, les rites de mai, la Saint-Jean… et ainsi de suite sans cesse jusqu’à nousne savons quand.